La proposition de loi « Ferme France » a franchi une étape cruciale dans son processus d’adoption. Le Sénat a examiné cette proposition, et l’une de ses dispositions a suscité un grand intérêt : l’utilisation des drones d’épandage. L’article 8 de cette proposition de loi prévoit en effet d’autoriser l’utilisation d’aéronefs télépilotés pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques sur les terrains agricoles.
La proposition de loi “Ferme france” et les drones
Au départ, il s’agit d’une initiative sénatoriale transpartisane déposée la veille du salon de l’agriculture. Pour résumer, l’objectif des sénateurs est de proposer une série de mesures pour donner à l’agriculture française un élan de compétitivité. L’idée générale est de libérer le monde agricole de certaines contraintes, mais aussi et surtout de l’accompagner vers de l’innovation technologique et des nouvelles pratiques. Dans cette optique, l’article 8 concerne les drones d’épandage.
En effet, la proposition de loi « Ferme France » introduit une dérogation au premier alinéa de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Cette dérogation permettrait l’utilisation d’aéronefs télépilotés ou contrôlés par intelligence artificielle (comprendre vol manuel ou vol programmé) pour la pulvérisation de précision de produits phytopharmaceutiques sur les terrains agricoles.
Vers une nouvelle phase expérimentale ?
Cette proposition est une première réponse apportée au rapport de l’ANSES suite à une première phase expérimentale. En effet, l’Agence Nationale se plaignait d’un “jeu de données très restreint” et invitait tout un chacun à prendre ses conclusions “avec précaution”. Mais alors à quoi s’attendre ?
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a levé une partie du voile devant les sénateurs en parlant d’une nouvelle phase expérimentale, sur des terrains en pente et forcément liée à la réduction de quantité de produits utilisés, c’est à dire à du traitement localisé et donc à de l’agriculture de précision.
Pas plus d’informations pour le moment, il faudra cependant veiller à ne pas transformer cette nouvelle phase expérimentale en bourbier administratif pour les télépilotes et les agriculteurs. Faute de quoi, l’ANSES manquera encore de données…
Un intérêt écologique et économique
Les avantages économiques, écologiques et technologiques de la pulvérisation par drone sont nombreux. Tout d’abord, cette méthode permet une utilisation plus précise et ciblée des produits phytopharmaceutiques, réduisant ainsi les quantités utilisées et les coûts associés. De plus, les drones peuvent atteindre des zones difficiles d’accès pour les pulvérisateurs traditionnels, ce qui permet une meilleure couverture des cultures. Les drones ouvrent également de nouvelles perspectives, comme la possibilité de traiter juste après les intempéries, quand les tracteurs et autres chenillards sont bloqués au hangar et que les maladies commencent à se développer.
Sur le plan écologique, l’utilisation des drones d’épandage réduit l’empreinte environnementale de l’agriculture. Mécaniquement, en réduisant le nombre de passages de tracteur, on réduit l’effet de tassement des sols. Grâce à leur précision, les drones permettent une diminution significative de la dispersion des produits chimiques dans l’air et dans les sols, à condition bien sûr de limiter la hauteur de vol pendant le traitement et d’utiliser des buses antidérive. Cela contribue à préserver la biodiversité, à protéger les écosystèmes voisins et à assurer la santé des travailleurs agricoles. En effet, les drones permettent également de réduire significativement l’exposition des agriculteurs et des viticulteurs aux produits phyto. Le télépilote peut se tenir à bonne distance de la parcelle pendant le traitement. Il est bien moins exposé que le viticulteur et son pulvérisateur à dos ou l’agriculteur dans son tracteur.
D’un point de vue technologique, l’utilisation des drones offre de nouvelles possibilités aux agriculteurs. Les drones équipés de capteurs peuvent collecter des données précieuses sur l’état des cultures, permettant ainsi une gestion plus efficace des terres agricoles. Cette technologie permettra également d’améliorer la réactivité en cas de problème, en identifiant rapidement les zones affectées et en prenant des mesures adaptées et localisées.
Demain, le mardi 23 mai à 14h30, le vote sur la proposition de loi « Ferme France » constitue une étape cruciale pour le progrès de notre agriculture. Il convient également de rappeler que nous sommes en retard sur le sujet. Ailleurs dans le monde (Etats-Unis, Japon, Suisse, Allemagne), et parfois depuis de nombreuses années les drones volent et ont démontré depuis longtemps leur intérêt.
Nous espérons un signal fort en vue des résultats de ce vote qui déterminera si l’utilisation des drones d’épandage sera enfin autorisée dans le cadre de cette phase expérimentale. L’adoption de cette proposition représenterait une avancée majeure, qui réunit des intérêts écologiques et économiques.
MAJ : Le projet « Ferme France » a été adopté le 23 mai par le Senat. Il devrait passer avant l’été devant l’assemblée nationale.
Pierre-Olivier Chirol
Secrétaire général de l’Apadat