Depuis plusieurs années, de nombreux pays autorisent les drones d’épandage dans le milieu agricole. Les agronomes témoignent aujourd’hui des bienfaits de la pratique, révélant des effets insoupçonnés sur les cultures. En France, la récente expérimentation a permis d’apercevoir le potentiel de cette pratique. L’ANSES devrait d’ailleurs communiquer les résultats de cette expérimentation d’ici l’été.
Évolution technologique
Les drones les plus performants sont capables d’emporter des charges utiles de plus de quarante kilos et d’épandre semences, engrais, pesticides etc … avec une précision centimétrique. Il apparaît comme une technologie assez mature pour répondre aux enjeux écologiques, économiques et sécuritaires de l’agriculture d’aujourd’hui.
Si nous manquons aujourd’hui de recul sur notre sol, certains pays adaptent leur législation au fur et à mesure qu’ils constatent les bénéfices de cette pratique.
Aux Etats-Unis, les décollages se multiplient depuis plus de cinq ans et les autorités réfléchissent à autoriser des vols de plusieurs drones d’épandage en simultané pour accroître encore la productivité. Ken Giles, ingénieur agricole à l’université de Californie assure avoir “vu des cas où, avec une application intelligente, nous avons vu 30 à 40 % de réduction du volume de pesticides utilisés” avant d’ajouter : “Dans de rares cas, le volume de pesticides utilisé est même réduit de 90% !”
Les résultats de l’expérimentation française devraient également aller dans ce sens.
Cette réduction significative s’explique par la manière dont sont utilisés les drones :
L’idée est de cibler uniquement les zones en besoin et d’empêcher le développement des adventices. C’est la promesse de la fin de certains traitements de parcelles dans leur intégralité. Une bascule facile dans l’agriculture de précision.
Autre avantage, et non des moindres, le traitement laisse l’opérateur à distance raisonnable des produits. Il est bien moins exposé que le viticulteur et son pulvérisateur à dos ou l’agriculteur dans son tracteur.
En Amérique du nord, un meilleur développement des cultures traitées au drone est observé. Pas forcément grâce à une meilleure application mais plutôt parce que le drone peut travailler sur les terrains humides et pentus. Après la pluie, une pulvérisation par drone permet par exemple d’endiguer le développement des champignons pathogènes sur un terrain impraticable en tracteur.
La question de la dérive
Si le drone d’épandage présente beaucoup d’avantages, il reste néanmoins une technologie récente comportant son lot d’incertitudes. Bon nombre d’associations et de riverains ont déjà fait part de leurs inquiétudes quant à la dérive des produits pulvérisés.
L’INRAE a mis plusieurs drones au banc d’essai via le projet PulvéDrone. À l’étranger, une étude sino-germanique a mesuré la dérive des drones applicateurs en incluant plusieurs paramètres extérieurs comme le vent. Tous arrivent à la même conclusion : en respectant certains facteurs, la dérive n’est pas supérieure aux outils de pulvérisation utilisés actuellement. L’étude sino-germanique préconise de limiter la hauteur de traitement à deux mètres au-dessus des cultures, traiter à vitesse lente et avec des buses antidérive. Nul doute que ces résultats ont été fournis à l’ANSES et devraient servir de base à la future législation.
Japon, Etats-Unis, Chine et même nos voisins Suisses adaptent progressivement leur législation pendant que la France stagne. La nouvelle politique agricole, les résultats de la récente expérimentation et les prochaines élections législatives pourraient permettre de changer la donne.
Pierre-Olivier Chirol
Secrétaire général de l’APADAT